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Des hommes contre la prostitution
et pour l'égalité

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Action 64

Action #64 – Après le «féminisme pute», le «féminisme maquereau» ?

On ne dit jamais assez de bien des congrès internationaux. Comme on peut le constater à la lecture du compte rendu ci-dessous, ils sont une source inépuisable d’enseignements, et on y fait des rencontres enrichissantes. Ainsi, les deux membres de Zéromacho qui sont intervenus lors du Congrès international des recherches féministes dans la francophonie ont eu la chance de découvrir le « féminisme pute » et d’échanger avec quelques-un·es de ses représentant·es.

Oui, nous l’avouons, nous ignorions tout, jusqu’à son existence même, du « féminisme pute ». Nous en connaissons désormais, sinon toutes les subtilités, du moins l’essentiel. Le « féminisme pute » a la rhétorique tendue comme un élastique de string, n’hésite pas à employer des raccourcis imagés, postillonne volontiers dans les narines de ses interlocuteurs et est très tatillon sur le droit à l’image.

Si l’évolution des luttes pour l’égalité suit son cours actuel, lors d’un prochain congrès, nous ne désespérons pas de pouvoir échanger avec des représentant·es du « féminisme maquereau ».

 

Compte rendu par Olivier Manceron et Alain Piot de l’incident qui s’est produit le 30 août 2018, au cours du Congrès international des recherches féministes dans la francophonie, qui se tenait à l’université de Nanterre, dans l’atelier ayant pour thème « La désemprise masculine ».

 

Nous devions présenter une communication, au titre de deux associations dont nous sommes membres, Zéromacho et Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA).

À 14h, Olivier Manceron, qui préside la réunion, ouvre la séance, en présence d’une douzaine de congressistes, puis passe la parole à Alain Piot. À 14h05, un groupe fait irruption très bruyamment, hurlant et bousculant tables et chaises. Il se compose de cinq personnes, âgées de 20 à 50 ans, trois hommes et deux femmes.

Ces personnes cherchent Patric Jean, l’un des fondateurs de Zéromacho. Elles s’approchent de nous et nous demandent : « Êtes-vous Patric Jean, celui qui a fait des discours pour justifier cette loi épouvantable ? » Non, aucun de nous n’est Patric Jean. Elles reprennent : « Est-ce qu’il a changé d’avis ? Est-ce que vous êtes de son avis ? » Oui, nous partageons la position de Patric Jean. Ces personnes, qui se présentent comme appartenant au STRASS (Syndicat des travailleurs/ses du sexe), s’en prennent alors à nous comme si nous étions les responsables de la loi qui, selon elles, les « livre à la violence ». Elles hurlent : « Si je veux passer ma vie à sucer des bites, c’est mon choix » ; « C’est mon sang que vous avez sur les mains » ; « Vous êtes des assassins, vous avez sur les mains le sang de Vanesa, vous êtes contre notre métier et pour la loi contre nos clients ».

Vanesa était une personne prostitué péruvienne, qui a été tuée dans le bois de Boulogne pendant la nuit du 16 au 17 août. La loi dont il s’agit est celle du 13 avril 2016, qui prévoit la pénalisation des hommes payant pour un acte de prostitution.

La violence de ces personnes est d’abord dans leurs mots et leurs gestes. Puis elles s’aperçoivent que certaines participantes, assises à leur place, ont pris des photos ou des vidéos. Elles exigent de façon menaçante de se faire remettre les téléphones portables pour pouvoir effacer ces témoignages : en témoigne Annie Sugier qui avait effectivement pris des photos avec son IPhone.

Alerté·es par les hurlements agressifs, d’autres participant·es au congrès arrivent des salles voisines, observent la scène mais n’interviennent pas. À 14h30, les 5 personnes se retirent. Bilan : vingt-cinq minutes de violence verbale et de menaces pour intimider et réduire au silence deux hommes engagés contre le système prostitueur et pour la défense des femmes handicapées.

Nous n’avons pas identifié les agresseurs. Comme ils ont pu entrer dans le congrès, ce qui supposait une inscription, nous pensons qu’ils ont participé au colloque, inclus dans le CIRFF, et intitulé « Féminisme pute, expertise et luttes des travailleurs/ses du sexe ».