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Des hommes contre la prostitution
et pour l'égalité

Pute ou radiée, il faut choisir par Gérard Biard

Le 8 mars, toute l’Europe a célébré comme il se doit la très
symbolique — dans tous les sens du terme — Journée de la Femme.
L’Allemagne, dirigée par une chancelière et toujours préoccupée
de faire sauter le « plafond de verre » dans ses entreprises, n’a,
naturellement, pas été en reste. En cette journée oecuménique, pas
question de piétiner, de quelque façon que ce soit, l’image de la
femme, égale de l’homme en toutes circonstances. En cette journée
seulement. Car la même semaine, l’Agence fédérale pour l’emploi
publiait sur son site internet une annonce invitant les chômeuses
dans le besoin à « travailler comme dame de compagnie dans un 
service d’escorte exclusif ». En clair, à se prostituer, au lieu de rester
oisivement chez elles à se faire du lard avec l’argent du contribuable.
Ce n’était certes pas une première, puisque, en février, une jeune
femme de Bavière s’était déjà vue proposer par son agence pour
l’emploi locale un poste d’« hôtesse » dans un bordel. Mais, cette
fois, on ne peut plus invoquer une initiative régionale isolée et
malheureuse. C’est l’État en personne qui lance aux Allemandes :
vous cherchez du travail ? Faites le trottoir. « Aucune expérience 
dans le domaine » n’est exigée,
rappelant ainsi qu’en la matière la femme dispose de compétences
innées… C’est sans doute ce qu’on appelle, dans le jargon libéral,
une « offre raisonnable d’emploi ». La question étant de savoir au
bout de combien de refus d’offres de ce genre on perd ses droits à
indemnisation…
Après tout, où est le problème ? Dans un pays qui considère
que la prostitution est un travail comme un autre, on ne voit pas
au nom de quelle éthique contreproductive les agences pour
l’emploi s’interdiraient de se conduire en mères maquerelles.
Soyons pragmatiques. En toute logique, la prochaine étape de
cette intéressante évolution du modèle social allemand devrait être
l’intégration, dans le programme de « retour à l’emploi » pour les
chômeuses de longue durée, d’un stage de réinsertion professionnelle
chez Helmut la Saumure.
Dans une mémorable chronique à propos de l’accord civil entre
Nafissatou Diallo et DSK publiée en décembre 2012 dans Libération,

Marcella Iacub — oui, encore elle — écrivait : « Celles qui 
dénoncent
pas
à
une pipe. […] Et si à cette prestation à 6 millions leur en étaient 
proposées
suggestion
loto ». Aujourd’hui, l’État allemand ne dit pas autre chose : toutes
les femmes sont des putes, ça n’est qu’une question de prix. Ou, en
l’occurrence, de situation sociale. En temps de crise, on ne fait pas la
fine bouche, mesdames…
L’exemple des pays réglementaristes comme l’Allemagne devraient
nous inciter encore davantage à cesser d’habiller la prostitution
des atours romantiques et fleuris de la liberté sexuelle, pour ne
la voir enfin que pour ce qu’elle est : une gigantesque entreprise
économique et commerciale, un marché aux esclaves globalisé, avec
ses multinationales, ses PME et son artisanat misérable.
Le système prostitutionnel, ce n’est pas l’incarnation de la sexualité
chevauchant, libre et triomphante, dans les vertes prairies du plaisir,
c’est le capitalisme sauvage avec du poil autour. Et l’initiative du
Pôle emploi allemand, qui sera n’en doutons pas imitée dans d’autres
contrées réglementaristes, rend enfin concret ce grand rêve humide
libertarien, où la femme et l’homme ne seront plus des citoyens, mais
des masses de chair, de muscles et de muqueuses au service exclusif
du marché.